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Semaine 7, du 13 au 18 mars 2023

Alors que nous entamons une résidence de trois semaines qui viendra clôturer cette première année du projet, voilà quelques nouvelles et photos de la semaine de résidence que nous avons fait en mars. L'objectif de cette semaine était de dessiner les contours des personnages de Marie et Elsa, pour pouvoir ensuite, grâce à ces personnages, interagir avec les salarié·e·s d'Emmaüs Mundo et débuter la création de leurs personnages.

Le projet Labo-compost en bref (c'est quoi déjà ?)

Labo-Compost est un projet de résidence au long court entamé en août 2022 avec pour thématique “les transitions écologiques et sociales”. Il est initié par les villes de Bischheim, Schiltigheim et Emmaüs Mundo. Nous voulons construire avec les salarié·e·s d’Emmaüs des personnages à partir de leurs vécus, de leur imaginaires et des objets qui transitent par leurs mains. Ces personnages qui viendront habiter l’espace immatériel d’un site internet via des capsules sonores, des images, des objets.

Notre mode opération s’inspire du compostage : se raconter par le prisme d’un personnage c’est une forme de compostage de soi, des autres et de ses inspirations. Qu’est-ce qui reste de soi quand on se résume par le récit et qui nourrit notre personnage ? Comment le mélange avec d’autres récits vient former une nouvelle matière, moduler mon personnage ?

Nous questionnons aussi la limite poreuse entre réalité et fiction notamment dans la construction de nos identités, d'ailleurs multiples. La construction de nos personnages mélangent fiction et expériences vécues sans se soucier d'en faire savoir les limites, qui sont bien souvent infimes. La création de pages-personnage sur le site qui est aussi un espace de rencontre de ces personnages (entre eux et pour les visiteurs) floute aussi la frontière entre espace réel et espace virtuel.

Emmaüs Mundo embauche une sourcière et une commère !

Nous envisageons l'espace du site internet comme un monde parallèle qui se peuple au fil de la construction des personnages. Il nous fallait pour cela commencer par construire nos personnages à nous : rencontrer des gens pour construire de nouveaux personnages en partant des nôtres nous permet de penser d'ores et déjà les endroits de jonction des différentes fictions.

Comme base de pour nos personnages, nous leur avons cherché des caractéristiques et fonctions qui pouvaient métaphoriquement raconter quels étaient nos rôles à chacune pour les trois semaines à venir. Mais alors, pourquoi avoir décider d'incarner une sourcière et une commère ? Elsa et Marie seront chargée de la construction des personnages avec les salarié·e·s et bénévoles d'Emmaüs. Sourcière et commère deviennent deux manières de récolter et de construire des histoires. Là où la sourcière construira les récits en cherchant à remonter les origines des choses partagées, la commère elle, procèdera à des amplifications et des dispersions de récits augmentés. Il nous importait de penser des personnages qui nous permettaient de croiser et d'expérimenter plusieurs manières de faire récits.

Ainsi, lors du temps de briefing du jeudi 16 mars, avec la complicité des encadrants, l'embauche d'une sourcière et d'une commère pour les activités d'Emmaüs est annoncée. Emmaüs a fait appel aux compétences de Marie pour ouvrir une nouvelle branche d'activité, celle du marché des histoires et du recyclage de ragots. Et à Elsa pour remonter aux sources : dans une recyclerie, la source est une chose qui a son importance, que se soit l'origine des objets, les sources d'informations, voir même le réseau sourcier sous le magasin. Les salarié·e·s sont invités à leurs investitures dans la journée.

Marie la commère

Marie la commère a la fâcheuse habitude de laisser trainer ses oreilles un peu partout. Et c'est justement son oreille qui entre avant elle dans le magasin d'Emmaüs. Seule, l'oreille attend, posée sur le bureau-mobile, que quelqu'un·e lui prête attention, pour guider Marie jusqu'à son poste de travail.

Une fois installée à son bureau, Adèle et Elsa aident la commère à tendre l'oreille vers des ragots potentiels. “Nous avons trouvé une oreille qui traine, est-ce la vôtre ? Non ? Pouvez-vous nous la garder quand même ?”…quelques secondes plus tard l'oreille se met à crier “Eh oh ! Il y a quelqu'un ?”. Ce n'est pas toujours courant dans ce sens, mais l'oreille se confiait à quelqu'un·e et Marie commençait une discussion de bouche à oreille avec elle·lui. Marie la commère se présente et présente son nouveau poste à Emmaüs, échanges avec les personnes autour de ce métier méconnu pour improviser au fil des discussions son personnage. Toutes ces histoires ne tombent pas dans l'oreille d'une sourde ! Les personnes sont invitées à rendre son oreille à Marie, la découvrant visuellement après leurs échanges. Adèle ou Elsa récupère l’oreille et repartent en quête de ragots.

Elsa la sourcière

La sourcière, trempée de la tête aux pieds pousse son bureau-mobile. Ce dernier est constellé de verres d'eau. Elsa propose alors aux gens de boire un coup avec elle pour fêter sa venue. Ses interlocteur·ice·s ont pris tout leur saoul pour choisir avec lequel des verres il·elle·s souhaitaient trinquer. Pendant que la personne buvait, Elsa se renversait son verre sur la tête pour ne jamais tarir sa source. Remonter le cours des choses est comme une seconde nature pour elle, alors elle s'enquérait dans la foulée de découvrir ce qui avait motivé le choix du verre. Au fil du récit qui se déroulait, la sourcière en profitait pour construire les premiers ruisseaux improvisés de son personnage.

Dans l’ombre, Adèle remplissait régulièrement le verre d’Elsa, Marie passait derrière avec une serpillère, pour éponger le chemin de l'eau sur le passage de la sourcière.

Séance doutes et questionnements…

Habituées à nous mettre en scène dans des espaces du quotidien en empruntant ses codes visuels ou fonctionnels, nous avons été confrontées une fois de plus à la question de la limite entre le vrai et le faux et au pacte du spectateur “Je sais que c’est faux mais j’accepte d’y croire pendant un temps pour jouer ensemble”. Plusieurs personnes avec lesquelles nous avons interagi ont réellement cru aux embauches de Marie la commère et d’Elsa la sourcière. Nous nous employons à créer des dispositifs et des costumes qui fonctionnent comme des indices pour dire à nos interlocuteur·ice·s “tu rentres dans un espace de jeu”, mais parfois de la confiance peut faire fi de ces indicateurs surtout dans des espaces qui ne sont pas habituellement des lieux où s’immisce le théâtre. Jusqu’où nous permettons-nous d’aller dans le “mensonge” tout en sachant que nous ne souhaitons pas forcément annoncer nos spectacles à l’avance ? En effet, c'est aussi tout le fondement de notre projet que de défendre la porosité du réel et du fictionnel dans nos vies, dans nos identités, et nous sommes désolées d'un monde où il faut toujours savoir LA vérité (laquelle ?). Mais nous sentons bien aussi, que ce flou qu'introduisent nos performances peut aussi mettre mal à l'aise notre public, introduire de la méfiance, du rejet, ou de la colère d'avoir été “trompé”. Nous ne voulons pas non plus cela, et nous manquons parfois de compétences théâtrales pour adapter notre discours, nos gestes et postures, à chacun·e de nos interlocuteur·rice·s.

Nous sentons que nos dispositifs visuels sont justes mais que la façon dont nous les habitons théâtralement les appauvrit et que nous nous mettons parfois en danger dans le jeu, créant en nous du malaise. Nous sommes scénographes et artiste plasticienne, cela semble logique. Néanmoins, c'est lors de ces performances que nous créons du lien avec les participants à nos projets et que nous activons des pistes pour la suite, nous avons donc besoin de continuer à être nous-même les performeuses de nos dispositifs. Ces observations nous mène à constater que nous avons sans doute besoin de nous armer d'outils pour mieux nous préparer au jeu et prévenir les failles de nos interactions scéniques.

Nous trouvons aussi que le mélange entre le public improvisé (qui participe par hasard, en se rendant compte ou non que c'est un spectacle) et le public prévenu (qui s'est déplacé pour nous voir), ne fonctionne pas bien. Nous ne pouvons pas nous adresser de la même manière à ces deux types de publics, et les personnes venu·e·s exprès pour voir notre proposition, restent spectateurs des interactions avec d'autres, portant un regard extérieur qui rompt l'intimité et la quotidienneté que nous recherchons. Nous le prendrons en compte pour les prochains “temps publics” du projet.